Ariane Haering par Pascal Auberson
Je suis très heureux qu’une telle personnalité, une si grande pianiste reconnue loin à la ronde accepte ma proposition avec tant de joie et de simplicité. Il est assez rare dans ce monde de compétition acharnée que des artistes de cette notoriété accepte avec une si grande facilité de se remettre en question.
C’est grâce à Gaspard Glaus que j’ai rencontré musicalement Ariane Haering lors d’un streaming en ces temps de Covid 19 derrière un écran plat.
Avec Ardita Statovci – leur duo Ariadita -, elles interprétaient la réduction du sacre du printemps pour deux pianos. J’ai eu un choc d’entendre avec quelle facilité, quelle compétence et quel brio Ariane abordait cette œuvre en se jouant des difficultés d’une telle partition en rajoutant, comme si ça ne suffisait pas, une percussion placée sous son piano genre *grosse caisse au pied *avec en plus un tambourin caressé de la tranche du même pied ! En dehors de la performance technique proprement dite je fus subjugué par autant de force et de lumière, de groove et de légèreté qui sortait de son jeu, tant elle dansait sur le printemps d’Igor avec tout son corps. Tout ce que je ressentais à ce moment là m’éloignait de l’image figée de la pianiste de concert traditionnelle et ça m’a beaucoup plu. J’ai eu comme un coup de foudre musical et l’envie de l’intégrer dans notre duo avec Gaspard Glaus. Honoré par sa réponse positive quant au projet et surtout par son envie de sortir de sa « zone de confort », nous avons commencé à travailler dans l’optique d’un trio. Ariane a su d’emblée faire passer, relayer l’électricité entre Gaspard et moi ce qui manque souvent quand la musique n’est que mâle.
Son sens de l’humour, la distance qu’elle a face au métier tout en le pratiquant de manière ludique, d’aborder avec autant de rigueur, de sérieux, avec la même passion aussi bien une œuvre reconnue qu’une œuvre en devenir.
Même si le sujet est plus privé – c’est elle qui décide de finir sa biographie dans ces termes : « Mère de quatre enfants, je vis à Salzburg et j’investis autant d’énergie au bien-être de ma famille qu’à la réalisation de mes rêves de musicienne. »
J’ai trouvé cette phrase magnifique d’humanité. D’avoir la force de tenter de ne pas séparer le « métier » de la vie. Robert Filliou disait avec une certaine malice : « l’art, est ce qui rend plus intéressante la vie que l’art ». Il y a tant d’amour dans la musicalité d’Ariane que son jeu en est imprégné au-delà de l’amer où l’on retrouve la mère et la mer.
Je me réjouis déjà de vous présenter notre « Éros, Thanatos and the Sun » prochainement sur les scènes enfin libérées.
Crédits photographiques :
© Josef Fischnaller Warner Classics